Voyage et Ecriture
En liaison avec un voyage en Angleterre, du 14 au 18 avril 2008, voici un sujet d'écriture proposé aux 4°E et aux 3°E :
" Vous écrirez un roman policier qui s'ancrera dans la réalité (lieux, temps, personnages, mais interdiction de faire mourir un élève !) de notre voyage en Angleterre. Il s'agira d'élucider un crime et d'en expliquer le mobile. Sherlock Holmes ou Miss Marple,ou Agatha Christie, interviendront."
On peut mettre son prénom, ou la première lettre de ce prénom, mais évidemment pas son nom.
Mardi 15 avril 2008 - deuxième jour
Enfin l’Angleterre ! Nous sommes arrivés hier après avoir passé la journée dans le car nous emmenant de notre ville, Colombes, à Londres. Quand je dis « nous », je parle de la classe de 3e D, la mienne, et de la 4e D. Ensemble, nous participons à un voyage organisé par 3 profs d’anglais du collège : Mister Smith, un petit homme rond et joyeux, prof préféré de la plupart des élèves, en raison de son éternelle bonne humeur et de son légendaire sens de l’humour ; Monsieur O’Connors, grand roux aux épaules larges, réputé dans le collège pour sa susceptibilité et son caractère têtu. Mais mis à part ces petits défauts, je le trouve gentil. Il y a enfin Mademoiselle Harris, une boule d’énergie dans un survêtement, mais qui a tendance à devenir un petit peu envahissante.
Mais surveiller cinquante-cinq élèves reste tout de même une lourde responsabilité ! Heureusement, ils ne sont pas seuls ! Le prof de sport, Monsieur Durpoix, un passionné de la musculation, et Madame Doré, prof de musique, une véritable note de gaieté, nous ont rejoints.
Evidemment, il y a aussi le conducteur du car. Celui-là je ne l’aime pas du tout ! Depuis que nous voyageons dans son car, il n’a pas souri, pas dit bonjour ou autre chose d’ailleurs. Physiquement, impossible de vous dire s’il est grand ou non, car il passe tout son temps assis derrière son volant. Par contre, je peux parler de ses yeux : bleu-gris profonds, si profonds que je me demande s’ils ont un fond ! Le fait qu’ils soient très petits n’arrange pas l’expression de dureté de son visage ridé. Il paraît assez vieux, mais son regard trahit une force et une énergie cachées.
Mais j’ai oublié de me présenter ! Je m’appelle Lola et j’ai quinze ans depuis un mois. Il faut absolument que je vous prévienne : vous allez suivre l’histoire d’une passionnée d’enquêtes policières durant son voyage en Angleterre, pays de son idole de toujours : le fameux, le célèbre, l’unique, l’incroyable… Sherlock Holmes !!!
Lorsque j’ai entendu que nous allions visiter le musée lui étant dédié, Dani, dit Dan, mon meilleur ami, et moi avons sauté de joie ! Il a même fallu que je me retienne d’embrasser le professeur qui venait de parler ! Si si, je vous jure !
Le car s’arrête enfin et les premiers élèves s’apprêtent à sortir. Pressée d’échapper au malaise muet que provoque l’attitude froide du chauffeur, je suis la marée de collégiens qui se serrent les uns contre les autres. En passant devant lui, j’évite soigneusement de croiser son regard. Je descends, parcourue d’un frisson : il me regarde, je le sais, je sens ses yeux qui me brûlent, là, dans mon dos, près de la nuque.
Une fois le cortège en marche, nous passons devant Big Ben, la célèbre horloge de Londres, puis nous nous arrêtons devant Buckingham Palace pour assister à la relève de la garde de la reine, nous voyons aussi Westminster Abbey et d’autres monuments célèbres.
Après avoir déjeuné dans un des nombreux parcs de la ville de Londres, nous nous mettons en route pour le musée de Sherlock Holmes.
Une fois là-bas, nous voilà accueillis par un homme grand et mince, blond aux yeux bleus, sportif qui nous lance un bonjour enjoué (en anglais bien sûr)
« Bonjour les enfants ! Je m’appelle James Ix et je travaille dans ce musée à l’accueil, comme vous pouvez le constater, ajoute-t-il en riant. J’espère que notre musée va vous plaire ! Bonne visite à toutes et à tous ! »
Avec son beau sourire, voilà la moitié des filles qui le regardent en faisant les yeux doux et en chuchotant entre elles. Pfff ! N’importe quoi !
Courant d’une pièce à l’autre, je me passionne pour un simple objet sous prétexte que mon idole s’en sert aussi, ça peut paraître ridicule, mais je préfère ça au charmant monsieur de l’accueil, qui doit de toute façon avoir une trentaine d’années et qui est sûrement déjà marié. Dan me tire soudain par la manche pour m’inviter à me rendre à l’étage. Ce dernier étage présente des personnages de romans policiers, matérialisés avec de la cire, suspects et victimes. Dans la salle des victimes, quelque chose attire mon attention : une des représentations s’ouvre sur le plafond, laissant apparaître deux pantins de cire « morts ». Dans l’obscurité du plafond de cette autre pièce minuscule, j’entrevois une sorte de cassette métallique rouge, insolite, à moitié dissimulée, près d’un « cadavre », mais tout est flou et brouillé de noir alors je préfère ne rien dire à Dan, de peur qu’il me traite de folle. Après tout, ma vue ou mon esprit me jouent peut-être des tours.
Nous sortons du musée, les filles les premières afin de revoir le « meeeerveilleux » Mister Ix. Mais quelle déception lorsqu’elles constatent qu’il n’y est plus.
Nous revoici dans le car, venu nous chercher. Le conducteur ne bouge pas lorsque nous entrons, il me semble encore plus froid que tout à l’heure. Mademoiselle Harris s’installe la première sans arrêter sa grande conversation avec Madame Doré. Mister Smith arrive le dernier, un peu essoufflé, juste après Monsieur Durpoix, le teint rougeaud. Le car reprend la route en direction des familles d’accueil.
Mercredi 16 avril 2008 – troisième jour
Aujourd’hui, nous avons visité Eton college ! Ensuite : direction Torquay. Nous avons marché dans le parc national de Dartmoor, que j’ai trouvé magnifique, d’autant plus qu’il faisait beau. Nous nous apprêtons à présent à être répartis dans nos nouvelles familles.
Installés dans le car, tous les élèves sont en grande conversation, et moi aussi car il fallait absolument que je parle à Dan du dernier Sherlock Holmes que j’ai lu : « Le chien des Baskervilles ».
« Qui est allé aux toilettes sans demander la permission ? »
Le silence se fait toujours lorsque la grosse voix de Monsieur O’Connors retentit. Nous nous interrogeons du regard : qui ? Personne. Pourtant la lumière qui indique que les toilettes sont occupées est allumée. Notre mutisme déstabilise le professeur.
Pour en avoir le cœur net, les profs nous recomptent : cinquante-cinq, le compte exact. Mais alors…
« Bon, Monsieur le conducteur, m’autorisez-vous à ouvrir cette porte même si je dois user de la force ? »
Monsieur Durpoix a toujours une façon spéciale de s’exprimer.
Le conducteur en question ne se donne même pas la peine de répondre, il détourne la tête et son regard ne me dit rien qui vaille.
« Ah…cela doit vouloir dire oui, dit le prof de sport en haussant les épaules.»
On entend alors deux grands coups puis un troisième différent, comme un grondement. Ensuite, les seuls bruits que nous percevons sont les jurons de notre professeur. Il revient alors, pâle et en sueur.
« Dans les toilettes…un…un corps…m-mort !!! »
Le silence qui suit cette déclaration est tel que j’en ai mal à la tête. Un
mort ? Dans le car ? Ah ah ! Qui dit mort dit enquête, non ?
Tous les professeurs se précipitent vers les toilettes, sauf Madame Doré prise d’un besoin subi de plonger la tête dans un sac en plastique.
Mister Smith revient alors vers nous et dit calmement :
« Les enfants, gardez votre sang froid, et quittez calmement ce car, mais en rang, deux par deux, enfin vous avez l’habitude !
- Mais, Monsieur, qu’est-ce que ça veut dire, un mort dans les toilettes du car ? Et puis, qui c’est ?
- Alors, un mort est une personne qui ne vit plus et en l’occurrence, celui-ci se trouve dans les toilettes du car. Quant à son identité, à première vue je dirai que…et bien, c’est…
- Le monsieur qui vous a accueillis au musée de Sherlock Holmes, Ix je crois, termine Mademoiselle Harris, toujours très directe.
- Quoiiii ????
Alors que les autres se dirigent vers la sortie, choqués par cette découverte, je m’avance, Dan avec moi, vers le lieu où gît le corps. Il semble seulement endormi, mais le large filet de sang qui s’écoule le long de son visage prouve le contraire. Ses lèvres restées entrouvertes sont enflées et il arbore un œil au beurre noir. Plein d’indices signalant qu’il ne s’agit ni d’un suicide, ni d’un accident.
Dan et moi, nous nous cachons derrière les sièges les plus proches pour écouter la conversation des professeurs.
« Que doit-on faire ?
- Il faut prévenir la police avant tout.
- Oui mais tout de même, un cadavre dans le car, quel meurtrier peut être assez fou pour cacher le corps de sa victime dans un endroit rempli de personnes ?
- Ce n’est pas aussi stupide que vous le pensez, pourtant. »
Cette voix ! Sherlock Holmes !!! Les profs sont aussi estomaqués que mon ami et moi. Là, devant nous, dans son éternel costume anglais, sa pipe à la main, mon idole de toujours nous observe, ou plutôt, observe les professeurs.
« Et…pouvez-vous vous expliquer ?
- Elémentaire. Quelle cachette pourrait être plus secrète que celle dont personne n’a idée et surtout devant laquelle tout le monde passe ? Le fait que la lumière des toilettes soit allumée n’inquiète ni les élèves, ni les professeurs, puisque chacun se dit que c’est un élève qui y est. La seule chose mal réfléchie reste néanmoins que le meurtrier a omis l’interdiction donnée aux élèves de se rendre aux toilettes sans permission. C’est ce qui vous a mis la puce à l’oreille, je me trompe ? Non ? »
Non. Il ne se trompe pas. Il ne se trompe jamais.
« Bon ! Passons aux choses sérieuses ! Que savez-vous de cette personne ?
- Et bien, il répond au nom de Mister Ix et travaille au musée vous étant dédié, à Londres, rue Baker Street. Nous ne connaissons rien d’autre.
- Je vais donc me rendre à ce musée. Watson, s’il vous plaît, téléphonez à l’équipe médicale pour qu’elle analyse le corps. Je veux savoir à quand remonte le décès et s’il y a des empreintes digitales. Je repasserai bien évidemment et vous tiendrai au courant. »
Et le voilà parti tandis que Watson téléphone aux personnes demandées.
« Dîtes donc, vous ! Vous n’avez sans doute pas dû comprendre que lorsqu’on dit DEHORS c’est que vous devez SORTIR du car ! Lola et Dani ? Vous me décevez vous savez ? Maintenant, sortez, nous en reparlerons en temps voulu. »
Aïe ! Je n’avais pas entendu Madame Doré s’approcher. Nous sortons donc, en nous jetant des regards inquiets.
« Ca va chauffer pour nous !
- Oui, mais je ne regrette pas ! Et si on menait l’enquête nous aussi, hein Dan ? T’imagine : trouver la solution AVANT Sherlock
Holmes ?
- Ouais ! Je suis partant ! »
Dehors, les derniers élèves sont répartis dans les nouvelles familles. Moi, je vais avec Emilie, ma meilleure amie, chez un grand homme qui me fait penser à un cow-boy sans son chapeau. Dan, lui se retrouve avec une anglaise blonde, de taille moyenne et souriante.
Jeudi 17 avril 2008 – quatrième jour
Le programme du jour : visite du musée d’Agatha Christie et de la jolie ville de Torquay. Je l’aime bien aussi, Agatha Christie, mais quand même, Sherlock Holmes reste le meilleur !
Et justement, voilà Sherlock Holmes, nous attendant, devant ce musée, à l’ombre d’un arbre, à gauche du bâtiment. Sans attendre, les profs nous demandent d’entrer dans le musée et de commencer la visite en répondant à des questions sur la vie d’Agatha Christie, dans la première salle. Pendant ce temps, les profs rejoignent le détective privé, derrière le bâtiment.
Dan me regarde d’un air entendu. Nous nous rendons au premier étage, et ouvrons la fenêtre la plus proche de l’endroit où se déroule la réunion secrète.
« J’ai fait des recherches, disait Sherlock Holmes.
- Vous avez donc du nouveau ?
- Bien évidemment !
- Alors ? Dîtes-nous !
- Tout d’abord, commençons par le commencement : James Ix, époux de Mary Ix, né à Londres en 1973, donc âgé de 35 ans, a commencé à exercer ce métier d’accueil dans le musée m’étant dédié, il y a 5 ans. Il habite un petit pavillon, dans une rue tranquille, dans la banlieue londonienne. Pour parler de lui un peu plus personnellement, j’ai pu récolter quelques informations auprès d’employés qui le connaissaient un peu mieux. Son père, veuf depuis 13 ans, est mort, il y a peu, de vieillesse, laissant à son fils un maigre héritage. Je doute que ce soit la raison du meurtre de ce Mister Ix.
- On ne sait pas si quelqu’un lui voulait du mal ? demande Mister Smith.
- Pour le moment non, mais il semblerait que j’aie trouvé une piste.
- Quelle est-elle ? questionne Monsieur O’Connors, curieux.
- Hum. Un homme qui aurait été amoureux de sa femme… d’après ce que je sais, il aurait une quarantaine d’années, et serait français. Je dois me renseigner sur son cas.
- Savez-vous quand et où il est mort ?
- Mister Ix ? Oui ! Un jeu d’enfant, quelle question ! Il est décédé le 15 avril, à quinze heures quinze, précisément. Que faisiez-vous ce jour-ci, à cette heure ?
- Nous étions en train de visiter votre musée.
- La liste de suspects s’agrandit. Le coupable peut donc être un employé, un passant ou bien l’un d’entre vous.
- L’un d’entre nous ??? s’étouffe Mademoiselle Harris.
- Impossible, chacun d’entre nous surveillait un groupe d’élèves, raisonne Monsieur Durpoix, mal à l’aise.
- Durant tout le temps ? N’y a-t-il eu aucun moment où l’un de vous s’est retiré ? il paraît réfléchir un court instant, et le conducteur de votre car, lui aussi il surveillait les élèves ?
- Non. »
Plus personne n’ose parler. Le conducteur aurait en effet eu tout le temps d’attirer sa victime dans un coin, de l’éliminer et enfin de la cacher dans les toilettes du car. Cela expliquerait d’ailleurs son regard inquiétant lorsque Monsieur Durpoix lui avait demandé la permission d’enfoncer la porte ; cela expliquerait son attitude froide et menaçante ! Trop fort, ce Sherlock Holmes !!!
« Mais… vous avez retrouvé des empreintes digitales sur le corps du défunt ?s’enquit Mister Smith.
- Non. D’après nos analyses, la victime a été frappée puis assommée, avant d’être traînée, répondit Watson jusqu’alors muet.
- Nous ne pouvons donc pas l’accuser, soupira madame Doré, soulagée.
- Non, en effet. Nous ne pouvons que supposer.
- Comment comptez-vous découvrir le coupable s’il n’y a aucune trace ?
- Oh, je n’ai pas dit qu’il n’y avait aucune trace ! Les spécialistes n’ont découvert aucune empreinte digitale, nuance ! J’allais justement vous demander la permission de regarder l’intérieur du car.
- Vous pouvez y aller, déclare Monsieur O’Connors de sa grosse voix. »
Zut, on va le perdre de vue ! Il faut absolument que nous sortions pour connaître la suite de cette histoire. D’un commun accord, nous nous dirigeons vers la sortie, et nous filons discrètement hors du musée afin de suivre notre détective privé favori. Nous observons le conducteur du car quitter son volant (qu’il est grand et mince !!) et le détective pénétrer dans le car. Dan s’assure que personne ne peut nous voir et nous en profitons pour nous glisser dans le véhicule par la porte avant, afin de ne pas tomber nez à nez avec Holmes. Je me cache tout près des toilettes, de façon à voir les moindres faits et gestes que l’homme exécute.
« Voyons voir… »
Je le vois inspecter soigneusement le petit local.
Biiip biiip ! Pétrifiée, je porte la main à mon portable. Non, ce n’est pas moi, ouffff ! Un rapide coup d’œil vers Dan m’apprend qu’il a eu aussi peur que moi.
« Oui ? dit Sherlock Holmes en décrochant son portable (le même que le mien !!!).
- Ah ! Vous avez identifié le type d’arme qui l’a tué ? Une sorte d’altère… bien, bien. Oui, je crois que je connais quelqu’un en possédant une. Merci. »
Une altère ?? Il n’y a qu’une seule personne en possédant ici… Monsieur Durpoix, coupable ? J’ai du mal à y croire…
« Et bien mon cher Watson, je vais de découverte en découverte ! Devinez ce que je viens de trouver ! dit-il en s’adressant à l’homme qui venait de le rejoindre.
- Euh… à vous de me le dire, vous êtes le détective !
- Un gant ! Etrange pourtant, pas très futé ce meurtrier… laisser tomber un gant de sa poche, il devait vraiment être pressé, ce qui prouve que le meurtre à été commis dans un laps de temps très réduit !
- En effet. Que comptez-vous faire ?
- Identifier le propriétaire de ce gant.
- Vous avez déjà une idée du coupable ?
- Non. Seulement des suspects.
- Et qui ?
- Le conducteur du car et le professeur de sport principalement. Ah oui, j’oubliais l’homme qui convoitait la femme de la victime. Je
vais d’ailleurs me rendre immédiatement chez cette femme, je suis certain qu’elle peut m’apprendre beaucoup de choses. »
Ils sortent. Dan me tire par la manche.
« Dépêche ! Les profs vont s’apercevoir de notre disparition !
- Attends, je voudrais regarder…
- Pas le temps ! »
Il ne me laisse pas l’occasion de jeter le moindre coup d’œil. Nous arrivons juste à temps pour nous glisser parmi les élèves qui attendent d’être comptés et nous voilà partis pour visiter la ville de Torquay. Il fait beau, un petit vent frais souffle dans la rue commerçante où nous avons quartier libre. La route est bordée de chaque coté par des magasins de toutes sortes (souvenirs, vêtements, nourriture…).
Le soir, avant de remonter dans le car, j’aperçois l’allure élégante et distinguée du détective privé, suivi de son fidèle ami. Je retiens Dan qui déjà s’en allait. Il se retourne en bougonnant mais s’arrête en comprenant la raison pour laquelle je l’ai empêché de s’installer dans le véhicule.
« Dis Lola, je me disais, le coupable…c’est quand même bizarre qu’il laisse autant de traces, non ? Et puis, tu crois, toi, que ça pourrait être Monsieur Durpoix ?
- Je ne sais pas. Parfois on pense connaître des gens et on finit par se rendre compte qu’ils sont totalement différents. Mais je doute fort que notre prof de sport soit le meurtrier. Et je vais te dire pourquoi : tout simplement parce qu’il était avec nous durant la visite et qu’il ne nous a pas quittés, j’en suis certaine, et puis, l’altère qu’il aurait utilisée est rangée dans la soute du car qui est fermée à clé. Et cette clé appartient au conducteur du car.
- Tu crois que c’est lui ?
- Pour l’instant tout semble contre lui, en effet. Il a très bien pu profiter de notre absence pour attirer Mister Ix dans un coin, l’éliminer grâce à l’une des altères de Monsieur Durpoix, traîner le corps jusque dans les toilettes du car, faute de mieux, et perdre l’un de ses gants.
- Oui mais pourquoi ?
- Ça, je l’ignore, nous en savons trop peu. »
Je reporte mon attention sur le groupe d’adultes. Sherlock Holmes a pris la parole.
« Oui, j’ai rendu visite à la femme du défunt. Je l’ai interrogée sur le « rival » de son mari. Ils se connaissaient tous les trois depuis plusieurs années, James et Mary Ix s’étant rencontrés au lycée. Ils n’ont fait la connaissance de l’homme en question qu’au cours de l’un de ses voyages en Angleterre, dans le parc national de Dartmoor et depuis ils avaient gardé contact…
- Mais quel est son nom ?
- Attendez, laissez-moi finir ! Dès leur première rencontre notre suspect est tombé sous le charme de la belle Mary. Malheureusement
, il a du rentrer en France à cause d’une affaire familiale et lorsqu’il est revenu, il a appris que James et Mary s’étaient mariés. En proie à un profond désarroi, il est retourné dans son pays natal, qui est, je vous le rappelle, la France.
- Pourquoi cachez-vous l’identité de cet homme, Monsieur Holmes ? s’impatiente Monsieur O’Connors.
- Pour l’effet de surprise, répond l’intéressé avec un demi-sourire.
- Comment cela ? Voulez-vous dire que… que nous le connaissons ? risque Mister Smith, inquiet.
- Tout à fait.
- Mais qui est-ce ??? s’énerve Mademoiselle Harris qui a horreur des surprises.
- Monsieur Dupont, annonce le détective, imperturbable.
- Le conducteur du car ? !!! s’exclament les professeurs à l’unisson.
- Lui-même.
- Vous pensez qu’il est coupable ? demande Monsieur Durpoix.
- Je n’accuse jamais avant d’être certain de mes sources et de mes preuves. De plus, j’ai fait une autre découverte : Mister Ix aurait un frère avec lequel il se serait fâché à la mort de leur père. Ce qui signifie donc, que le mobile du crime pourrait aussi bien être une histoire de famille.
- Vraiment ?
- Oui, mais j’en saurais plus demain. Au revoir. »
Tiens, tiens. Un frère. Je monte en vitesse dans le car, Dan sur les talons. Les professeurs arrivent à leur tour. Madame Doré est pâle, Monsieur Durpoix paraît fatigué, Mister Smith semble très nerveux, Mademoiselle Harris, énervée, chiffonne un papier comme elle le fait chaque fois que quelque chose l’ennuie tandis que Monsieur O’Connors a l’air perdu dans ses pensées.
« S’il a un frère, alors le conducteur n’est peut-être pas coupable.
- Mm.
- Je me demande pourquoi son frère aurait voulu le tuer… continue Dan, pensif.
- Oui, il doit y avoir quelque chose là-dessous.
- Tu as raison. N’empêche, il doit être costaud, le meurtrier, pour avoir eu le dessus contre un grand musclé comme Ix. »
Vendredi 18 avril 2008 – dernier jour
Déjà le dernier jour. Je suis un peu triste. J’aime l’Angleterre. Je m’étais habituée à la façon bizarre des anglais de conduire à gauche, à leurs boutons de douche, aux discussions avec les familles où je ne comprenais que quelques passages, l’essentiel. Je m’étais presque habituée aux sandwiches au fromage accompagnés de chips au fromage. Tout cela va me manquer. Le plus beau, je crois que c’était la plage, douce et salée et le Dartmoor, grand, sauvage, paisible.
Dan me sort de ma rêverie.
« Mais regarde le paysage Lola ! C’est beau dehors, tu rêveras de ton prince charmant à un autre moment, quand je ne serai pas là de préférence ! »
Je lui jette un regard noir. Mon prince charmant ??? Et puis quoi encore ? ! Et puis ça veut dire quoi « quand je ne serai pas là » ? Il serait jaloux ? A cette pensée, un sourire mi-moqueur mi-heureux (mais plus heureux quand même) se dessine sur mon visage.
« Pourquoi tu souris ? demande-t-il, vexé.
- Pour rien. J’ai peut-être cru voir mon prince charmant dans ce train qui nous balade dans Torquay, avec vue sur des paysages de rêve… »
Et j’éclate de rire en voyant sa mine boudeuse, qui devient fâchée lorsqu’il comprend que je le taquine.
Soudain je le vois. Non pas mon prince charmant, mais mon détective préféré, qui s’avance vers les professeurs au moment où nous quittons le train.
« Il faut que nous parlions au calme, déclare-t-il de sa voix sérieuse.
- Vous avez découvert le coupable ? interroge Mister Smith, la voix enrouée d’émotion.
- Ça se pourrait, répond mystérieusement Sherlock Holmes, faisant frissonner tout le monde. »
Les professeurs nous donnent rapidement les consignes pour notre dernier quartier libre et ils se dirigent vers un pub, afin de pouvoir discuter. Mince, ça va être dur de les écouter sans nous faire remarquer !
« Viens, Lo’, j’ai repéré une cachette tout près de leur table !
- Oui mais comment veux-tu qu’on entre sans se faire voir ?
- Oh, tu sais les adultes, quand ils sont concentrés sur leur conversation, tu peux leur passer à côté sans qu’ils se rendent compte de rien.
- Bon, je te fais confiance alors. »
Il me lance un sourire fier et, me prenant la main (pour la première fois !), nous nous introduisons dans le pub à la suite des profs et nous nous installons, à la table juste derrière, cachée par une grosse plante. La cachette idéale pour espionner les conversations ! Attention, les plantes ont des oreilles !
« Qui est-ce ? demande Monsieur O’Connors, brûlant de curiosité.
- Patience ! Je vais d’abord parler de chaque cas. Ah ! Monsieur Dupont, vous êtes venu, très bien. Premier suspect : Monsieur Durpoix. »
Celui-ci sursaute.
« Moi ? …
- Vous. Vous êtes soupçonné à cause de votre force et de vos altères « de compagnie » qui ne vous quittent jamais. Voyons si vous pouvez jouer le rôle du coupable.
- Ce…ce n’est pas moi !
- Taisez-vous, je vous prie. Bon, le 15 avril, à quinze heures quinze, les élèves visitent mon musée, à Londres, rue Baker Street, par groupes, chaque groupe surveillé par un professeur. Au cours de sa visite, Monsieur Durpoix, professeur de sport passionné de musculation, s’éclipse, pour se rendre devant la porte du musée, où ont été accueillis les élèves quelques minutes plus tôt. Là, il trouve Mister Ix. Il entraîne ce dernier dans un recoin, les deux hommes se battent, James Ix reçoit un coup de poing dans l’œil. Monsieur Durpoix finit par asséner à sa victime, à l’aide de l’une de ses altères, un grand coup sur la tête qui le tue sur le coup. Le vainqueur tire le corps inerte jusque dans les toilettes du car, n’aillant pas trouvé de meilleure cachette. Bien entendu, il s’était muni de gants de vaisselle pour ne pas laisser d’empreintes. Afin de faire accuser une autre personne que lui, il subtilise un gant de cuir au conducteur du car. Tout colle, non ?
- C’est absurde, je n’aurais jamais fait ça !!! se défend le pauvre Monsieur Durpoix.
- Et bien non, je suis tout à fait d’accord avec vous, Monsieur. Pour la simple et bonne raison que tous les élèves ont témoigné que vous ne les avez pas quittés, et qu’à l’heure du crime, vous étiez en train de visiter le musée. De plus, vous n’aviez pas la clé, vous permettant d’ouvrir la soute dans laquelle vous aviez rangé vos altères. Et enfin, après de longues recherches, je peux affirmer que vous n’aviez jamais rencontré cet homme auparavant et n’aviez par conséquent aucune raison de le tuer, sauf toutefois si vous aviez été un tueur en série, ce dont je doute fort. »
Monsieur Durpoix soupire bruyamment de soulagement. J’avais donc raison ! Je lance un regard victorieux à Dan.
« Passons au suspect suivant : Monsieur Dupont.
- Bah tiens ! râle ce dernier.
- J’ai fait des recherches sur votre compte, et j’ai découvert que vous connaissiez Mister Ix depuis plusieurs années déjà, et que vous étiez même amoureux de sa femme. De plus, vous êtes en possession des clés de la soute, votre gant a été retrouvé sur le lieu du crime, vous n’aviez pas d’élèves à surveiller et pour finir vous êtes tout à fait capable de venir à bout d’un homme comme Mister Ix. Vous constituez donc le coupable idéal.
- …
- Ce n’est pas vous.
- Pardon ? s’exclame Madame Doré, stupéfaite.
- Sans blague, se contente de marmonner le chauffeur du car.
- Il n’est pas coupable, car mon ami Watson ici présent, était en grande conversation avec Monsieur Dupont au moment du crime. Je m’excuse néanmoins de vous avoir tenu pour suspect, voire coupable pendant longtemps, mais mon cher Watson ne m’a pas tout de suite informé de cette discussion, dit-il en donnant une tape amicale à son voisin, Watson. »
Alors-là je ne m’y attendais pas du tout ! Ce fut au tour de Dan de me regarder avec un air triomphant.
« Mais alors, qui est-ce ?s’impatiente Mademoiselle Harris.
- J’y viens, j’y viens. Je vous avais parlé hier, d’un éventuel frère.
- Et ? Ce serait lui le coupable ?
- S’il vous plaît, j’ai absolument horreur que l’on m’interrompe. Je disais donc, que James Ix avait un frère, John, ce qui m’a été confirmé par la famille de Mister Ix. Mais surtout, j’ai eu vent d’une querelle entre ces deux frères, à la mort de leur père, au sujet d’un hypothétique et mystérieux diamant de plus de cinq mille carats que leur père, explorateur en Afrique du Sud durant sa jeunesse, aurait découvert et caché. Le plus jeune aurait soupçonné son aîné, James, de l’avoir dérobé et lui aurait réclamé sa part. James aurait nié l’existence de la pierre, et John serait retourné en France, où il s’était installé 15 ans plus tôt. J’oubliais un détail important ! Quelques années avant, James avait changé de nom en se mariant avec Mary et avait adopté le nom de sa femme, Ix. Sans doute pour provoquer son père avec lequel il était en conflit à cette époque.
- Quel était le nom de James, avant de se marier, alors ? questionne Monsieur O’Connors.
- Smith. »
Le silence se fait. Chacun retient son souffle, choqué. Mister Smith, coupable ? Lui que tous les élèves adorent, lui si gentil, si drôle ? Impossible, je n’arrive pas à y croire. Je regarde le professeur. Il est pâle comme la mort et transpire.
« Insinuez-vous que… que je suis coupable, Monsieur ?suffoque l’homme.
- On peut dire ça comme cela. Mais, laissez-moi m’expliquer, cher monsieur. Tout d’abord, vous confirmez bien que vous êtes le frère de Mister James Ix ?
- Oui.
- Bien. Vous vous êtes donc disputés au moment de l’héritage de votre père, votre frère et vous. N’ayant pas obtenu ce que vous désiriez, mais néanmoins persuadé que votre frère vous mentait, vous retournez en France. Là, vous vous souvenez du voyage que vous avez organisé avec les autres professeurs. Vous décidez alors d’en profiter pour éliminer votre frère aîné, et faîtes en sorte que quelqu’un d’autre soit accusé à votre place. Vous profitez du fait que votre groupe d’élèves a fini sa visite pour disparaître. Vous éloignez James Ix du monde, vous vous battez, vous sortez alors l’altère de Monsieur Durpoix que vous aviez pu voler grâce au double de clés que vous avait confié Monsieur Dupont au début du voyage. Votre frère meurt sous le choc, et, pour faire accuser le conducteur qui connaissait Monsieur Ix et sa femme, vous cachez le cadavre dans les toilettes du car. Pour continuer dans cette idée, vous déposez le gant du conducteur près du mort. Plutôt bien réfléchi, bravo !
- Je n’aurais jamais cru cela de vous ! s’exclame Monsieur Durpoix avec une mine de dégoût.
- Mais ce n’est pas tout ! J’ai retrouvé dans le tiroir du bureau du défunt une lettre de son père révélant l’existence du fameux diamant, continue Sherlock Holmes. Mister Ix était donc probablement en possession de ce trésor.
- Comment cela ? Vous ne l’avez pas retrouvé ?
- Hélas, non ! Mais je continue les recherches ! »
Mais oui ! Prise d’une subite inspiration et oubliant toute prudence, je sors de ma cachette, sous les yeux médusés de Dan.
« Moi je crois savoir où il est !!! Je crie presque.
- Lola ? Qu’est-ce que tu fais ici ? Cette fois, c’est une fois de trop, tu seras punie en conséquence ! s’énerve Monsieur O’Connors.
- Mais je crois que je sais où James Ix a caché le diamant !
- Ah oui, et où jeune fille ? me demande le grand détective, mi-moqueur mi-agacé.
- Au dernier étage du musée, dans la salle des victimes de cire, là où il y en a qui tombent du plafond ! J’ai vu une sorte de petite boîte en métal rouge qui pourrait bien cacher la pierre précieuse. »
Sherlock Holmes ne dit plus rien, il me regarde.
« J’espère que tu dis vrai petite, sache que je n’aime pas les plaisanteries, elles me font perdre mon temps.
- Je ne plaisante pas. »
Je prends des risques, je sais, mais il commence à m’agacer avec son air hautain, et son attitude de «J’ai-toujours-raison-c’est-moi-le-plus-fort» !!!
Dan sort à son tour de sa cachette, mais personne ne le remarque. La police est venue chercher Mister Smith, et le professeur, soudain moins sympathique à mes yeux, s’en va avec eux. Nous, nous sortons. Le voyage est fini, l’enquête aussi, et nous allons rentrer chez nous, en France.
Durant le retour, je discute avec Dan de mes impressions. Il dit que j’ai été super, que je l’ai impressionné. Que je me sens fière !
Un message nous parvient, durant le voyage en ferry, disant que la pierre précieuse a été retrouvée à l’endroit où je l’avais indiqué, Sherlock Holmes a même laissé un petit mot pour moi !
Le diamant était effectivement là où tu le pensais. Bon sens de l’observation jeune fille.
Sherlock Holmes.
J’aurais espéré mieux de sa part, mais je suis déjà contente : j’ai aidé le plus grand détective du monde !
Samedi 19 avril 2008
J’ouvre les yeux. Ma mère me regarde.
« Bonjour ma Lo’, bien dormi ?
- Oui, merci. Quel jour sommes-nous ? »
Mon esprit est embrouillé. J’ai l’impression qu’il s’est passé un milliard de choses.
« Nous sommes samedi 19 avril. Tu es sûre que tu vas bien ? Depuis que tu es rentrée de ton voyage, je te trouve bien fatiguée !
- Evidemment que je vais bien maman ! Si tu savais ! J’ai aidé le plus grand détective, le fameux Sherlock Holmes dans une affaire ! Il y avait même un cadavre dans les toilettes du car ! »
Ma mère me fixe étrangement. Elle porte sa main à mon front.
« Pas de température. Hum. Je ne sais pas ce que tu racontes, mais tu as dû rêver. Sherlock Holmes est un personnage de roman, il n’a jamais existé !
- Mais je l’ai vu… demande à Dan !
- Lola, c’était un rêve ! »
Un rêve ? J’ai rêvé toute cette aventure ? Maintenant que j’y pense… mais tout semblait si vrai ! Je suis déçue, mais tout de même… ?
Texte écrit par : Hermeline 3°E